Jasper Hale Cullen

Vadim resta un moment agrippé à sa poignée de porte, comme si c’était l’unique chose qui pouvait l’empêcher de tomber. Depuis quand avait-il des vertiges ? Ah oui, depuis qu’il avait croisé Kelsey pour la première fois. Ça devrait être interdit d’avoir des yeux pareils. D’abord, c’était très dangereux, ça pouvait très bien causé de graves accidents. Kelsey se remit alors à parler et Vadim était si concentré sur ses doigts de pieds qu’il ne capta pas immédiatement ce qu’elle avait dit. Lorsqu’il comprit enfin, il secoua vivement la tête. Franchement, appeler quelqu’un… Surtout pas. Tout ce qu’on trouverait à faire, ce serait de l’emmener, et en usant la force si c’était nécessaire, chez ce cher monsieur le psychologue. Et c’était pas qu’il n’avait pas envie de le voir celui-là, mais ça y ressemblait beaucoup. Attention, Vadim séchait rarement ses rendez-vous, c’était pas comme ses cours au lycée. Il devait y être allé cinq fois sur l’année, peut-être six. Non, les rendez-vous chez le psy, il ne manquait quasiment jamais d’y aller, parce qu’il se donnait à cœur joie de démoraliser le vieil homme. Vraiment, c’était une de ses activités favorites. Mais aujourd’hui, sans nul doute possible à cause de la présence de Kelsey, il n’avait aucune envie d’entrer dans ce bureau pour raconter de nouvelles histoires à dormir debout.

“Non, ça ira, c’est rien. C’est juste… Tes yeux.” soupira-t-il.

Il ne se rendit compte de ce qu’il venait de dire qu’une trentaine de secondes plus tard. Il jouait à quoi là ? Visiblement, il avait les neurones plus que gelés. Il aurait peut-être dû suivre les cours au lycée, finalement. Ça l’aurait aidé à ne pas parler aussi souvent sans réfléchir. Et surtout dans des situations similaires à celle qu’il était en train de vivre. Il aurait pu éviter ça, quand même. En plus, encore une fois, il n’avait pas menti. Et s’il était en plein rêve ? Enfin, rêve parce qu’il était avec Kelsey, mais plutôt cauchemar vu qu’il ne se reconnaissait plus lui-même. Ah non, s’il avait rêvé, ses chaussures seraient apparues comme par enchantement quand il les avait tant voulues. Il se mit à contempler de plus belle ses orteils et il sentit même le rouge lui monter aux joues. Il rougissait, maintenant ? A ce niveau-là, il n’avait plus qu’à se demander avec appréhension quelle était la prochaine surprise. Évidemment, il avait dit une connerie de vérité, c’était un peu normal qu’il se sente aussi mal, alors. Bon, essayer de se calmer, c’était la meilleure chose à faire.

“Eeeuh… Oublie, j’ai rien dit. Je divague sûrement à cause de la fièvre.” fit-il, le regard légèrement fuyant.

La fièvre ? Quelle fièvre ? Elle était juste un peu fictive, quoi. Vadim finit par appuyer son dos contre la porte et se laissa doucement glisser jusqu’au sol. Il avait fait bien attention à ne pas se cogner ou faire quoi que ce soit d’autre qui aurait indiqué sa présence à la secrétaire. Juste un bruit sourd et cette dernière aurait accouru en paniquant pour savoir qui tabassait un jeune sans défense devant le bureau. Bah oui, elle était bien du genre à se créer des films pareils dans sa petite tête de sainte. Elle dramatisait n’importe quelle situation, même la plus banale. C’était un peu comme si ses lunettes lui permettaient de voir tout en exagéré. Une fille a envie de vomir et paf, ça veut dire qu’elle est enceinte. Franchement, elle était pas croyable cette secrétaire. Elle devrait elle aussi prendre quelques rendez-vous chez ce cher psy. Et plus si affinités, haha. Par contre, avec un Vadim blanc comme un linge et brûlant de fièvre devant elle, et bien, elle le pousserait certainement à quand même se rendre à sa séance hebdomadaire. On lui avait probablement répété sans cesse que c’était un mythomane en herbe et elle avait dû se persuader entièrement qu’il ne disait jamais la vérité. Même quand un médecin qualifié certifiait qu’il était malade. Bon, en fait, c’était un peu le même cas avec les surveillants et tout le reste du personnel du centre.

Une fois par terre, il fut légèrement apaisé. Au moins, il avait l’assurance de ne pas pouvoir tomber plus bas. C’était déjà une bonne chose. Enfin, ne pas tomber plus bas au sens propre du terme. Parce qu’au sens figuré, il était en chute libre. Il releva finalement les yeux, jugeant que sa phase de timidité maladive devrait normalement être passée. Il s’aperçut bien vite qu’il s’était sur-estimé. Dès que le visage de Kelsey rentra à nouveau dans son champ de vision, les petits papillons dans le ventre lancèrent une nouvelle attaque contre le pauvre Vadim. Il baissa rapidement la tête avant de dire une autre connerie du style celle qu’il avait prononcée quelques minutes plus tôt. Et pourtant, il faudrait bien qu’il se remettre à parler un jour. Ou bien il pouvait faire croire qu’il était soudainement devenu muet suite au souvenir d’un événement qui l’avait traumatisé plus jeune. Mouais. Il n’avait jamais eu des idées de mensonges aussi stupides, avant. Il serra les dents et fit une grimace presque imperceptible. Qu’est-ce que ça pouvait l’énerver de se sentir comme ça. Si seulement il avait pu se comporter comme d’habitude devant la jeune fille. Etre amoureux, c’était déjà problématique, mais en plus ne plus savoir quoi dire ni quoi faire devant la personne qu’on aime, c’était cent fois pire. Et ne pas être manipulateur et beau parleur en sa présence, ça, c’était mille fois pire. Kelsey représentait pour Vadim ce que la kryptonite est pour Superman. Voilà qu’il pensait à Superman. Et encore, celui-là, ça allait. Il y avait des dessins-animés qu’il lui fallait éviter à tous prix. Sinon il risquait de partir dans un sujet complètement loufoque et surtout très, très débile.

Il ferma les yeux, pour tenter de reprendre ses esprits et de remettre son cerveau en marche. C’était pas gagné. Il se répéta plusieurs fois en son for intérieur qu’il était simplement en face de Jaimie, sa meilleure amie, et qu’il se devait d’être naturel et affreusement euphorique, comme chaque jour. Et puis il n’allait pas pouvoir s’éterniser là, assis devant la porte du bureau du psychologue. Et si celui-ci sortait pour partir à sa recherche ? Nul doute qu’il n’aurait pas à chercher bien loin. Il rouvrit les yeux et vit que ses tentatives de se calmer avaient assez bien porté leurs fruits. Il pouvait observer Kelsey sans peine, en gardant bien en tête le visage de sa meilleure amie. C’était peut-être bizarre, mais cette méthode faisait ses preuves. Il lui sourit doucement, encore à moitié gêné.

“Je vais mieux. Je crois...”

OK by Jun.